Les Anglais, comme on sait, vantent une tradition de voyages vraiment incroyable. Des temps du Grand Tour, en passant à travers ceux glorieux de l’empire, on trouve des Anglais partout.
« L’insularité géographique et linguistique des Anglais est une des causes de leur attraction-répulsion pour l’étranger » et, en tout cas, » quelles que soient les raisons, le voyage pour les Britanniques ce n’est pas un luxe, c’est une chose essentielle de la vie ». 1
La vogue du Grand Tour, explosée au XVIII siècle, répondait à d’exigences de caractère éducatif (on sai bien comme le siècle des lumières ait été attentif à tout ce qui concernait la formation de l’individu). Il s’agissait de la pratique, en usage près des familles aristocratiques, d’envoyer leur progéniture faire un voyage dans les Pays de la Méditerranée, en accomplissement, ainsi qu’en achèvement de leur parcours formatif. Dans le Grand Tour convergeaient deux traditions différentes: d’un côté la ainsi-dite peregrinatio academica, ou bien le voyage que le jeune studieux accomplissait pendant le Moyen-Âge, dans les plus importants centres du savoir, Bologna et Paris, avant de terminer son cours d’études. De l’autre côté le voyage d’initiation du chevalier qui le voyait se rendre auprès des différentes cours, mais aussi bien vers les lieux saints, but du pèlerinage.
Le choix de la Mediterranée provenait de la nécessité de connaître les Pays qui ont été le berceau de la civilisation occidentale, connaissance réputée indispensable pour affronter la vie. À ce propos, c’est emblématique ce qui affirme Cyril Fielding, le personnage d’un très fameux roman de Forster, Passage to India: » La Méditerranée est la mesure de l’humain. Quand les hommes quittent ce précieux lac…s’approchent du monstrueux et de l’excessif ».
Il existe un rapport privilégié entre le voyageur anglais et l’Italie, lié certainement à la centralité de notre Pays dans le bassin de ce qui non par hazard a été baptisé Mare Nostrum.
Toutefois il existe une tradition particulière aussi pour ce qui concerne le rapport entre les Anglo-Saxons et notre terre ou bien l’Etruria, berceau de l’ancienne civilisation Étrusque. Ce rapport remonte au XVII siècle, quand Thomas Dempster, de la part de Cosimo V de’ Medici, écrivit De Etruria Regali Libri Septem, qui toutefois ne fut pas publié parce qu’il n’obtint pas l’imprimatur de Cosimo. Dans le siècle suivant un autre Anglais, Thomas Coke, futur comte de Leicester, acheta le texte de Dempster et le publia, après l’avoir révisé. Ce livre fit commencer l’interêt des Anglais pour les Étrusques, interêt éclaté après au XVIII siècle. Le banquier Thomas Jenkins fut le premier entre les sujets de sa majesté à visiter une nécropole étrusque, suivi de James Byres, qui projeta un livre, jamais écrit, sur l’histoire étrusque. Mais ce fut la rencontre entre Gian Battista Piranesi et l’architecte écossais Robert Adam à faire naître ce phénomène culturel qui fut appelé Etruscan Taste, ou bien le goût étrusque. Ce goût inspira en Angleterre (mais dans le reste d’Europe aussi) la réelisation de décorations, meubles et argenteries. Avec Robert Adam, il faut rappeler sans doute M. Wedgwood (oui, justement celui des prestigieuses porcelaines) qui en 1769 ouvrit une fabrique de porcelaines appelée Etruria au milieu de la campagne anglaise. Au cours du XIX siècle le retentissant succès de l’exposition réalisée à Pall Mall, à Londres, par les frères Cempanari de Tuscania, dont la collection d’objets et sarcophages étrusques fut achetée par le British Museum, poussa beaucoup d’Anglais à visiter les lieux étrusques. Entre eux madame Hamilton-Gray, auteur du livre « Tour to the sepulchres of Etruria 1839« . Mais surtout il faut rappeler George Dennis qui, avec son ami dessineur Samuel James Ainsley, écrivit Cities and Cemeteries of Etruria. 2
Cette tradition a créé ce que Massimo Pallottino, le grand étruscologue italien, a défini « l’Etruria des Lettrés », typiquement anglaise, ainsi que romantique, pour le sentiment de la nature qui la pénètre. Le paysage était en effet l’élément principal à travers lequel les lettrés et les pseudo-spécialistes s’approchaient du monde étrusque pour le transfigurer, favorisés en cela par ce halo de mystère qui a toujours enveloppé l’histoire de cette ancienne civilisation.
D.H. Lawrence aussi, avec son Etruscan Places, appartient à cette tradition littéraire et poétique, à propos de laquelle Massimo Pallettino observe: » Il y a une Etruria des spécialistes et une Etruria des lettrés »; c’est précisément à la dernière que les textes des écrivains-voyageurs anglais appartiennent. Encore Pallottino soutient que le vaste public préfère la « verité de l’imagination à celle de la science », c’est a dire de la recherche historique. Peut-être parce que, dans une société iper-technologique comme la nôtre, il y a le désir de préserver les derniers mystères restés. Toutefois nous savons aujourd’hui que l’Étruscologie a accompli d’énormes pas en avant et a décelé une grande partie des aspects obscuresde l’histoire extraordinaire de nos aïeux. Cependant cette terre d’Etruria continue à nous donner des lambeaux de mystère venant d’un passé toujours plus loin. La découverte d’une autre nécropole a Tarquinia est d’il y a seulement quelques années.
Il paraît qu’il s’agit de tombes villanoviennes qui remontent au IX siècle avant J. C., c’est-à-dire une période tardive, mais immédiatement précedente à celle connue comme période Orientalisante (VII-V siècles avant J. C.), pendant laquelle la civilisation Étrusque connut son maximum de splendeur. C’est-à-dire… le mistère continue.
1 Paul Fussel, « All’Estero. Viaggiatori inglesi fra le due guerre », Il Mulino, 1988.
2 L’historien Bill Thayer, passionné de notre terre, il a publié quelques nouvelles sur la Province de Viterbe. Dans ses pages il fournit quelques renseignements intéressants et le texte du livre de George Dennis.